[Ce post a été déterré de mes archives 1999]
Aujourd’hui j’ai été initié au terrible secret de fabrication de la déplorable médiocrité des traductions de nos logiciels quotidiens! En effet, dans le cadre d’un recrutement de chef de projets, nous avons aujourd’hui reçu un candidat ayant précédemment travaillé dans une SSII de traduction industrielle. Et non des moindres, puisqu’il était en charge de la traduction en français d’un environnement de développement assez connu permettant de réaliser des programmes Windows en disposant “visuellement” des objets et en tapant quelques lignes de Basic… (oui oui on parle bien de la même chose)!
Voici comment il procédait (selon une tradition qui se transmet de collaborateur en successeur depuis la nuit des temps de la localisation): un outil “très astucieux” commence par extraire toutes les chaines de caractères de tous les fichiers source et ressource du projet complet (je parle bien de l’environnement de développement complet!). Il en génère ensuite un fichier Excel dans lequel on retrouve le nom du fichier source, la position, le texte en anglais… reste une colonne vide pour le texte en français! Le gros du travail consiste alors à traduire les chaines de caractères ligne par ligne avant que le “très astucieux” outil ne réintègre ces traductions aux sources!!!
Moi: Mais… et le contexte? Lui: Comment ça le contexte? Moi: Oui, une même phrase, ou pire: un mot isolé n’a pas forcément la même traduction selon le contexte!!?? Lui: Oui, mais c’est rare… et dans ce cas, les testeurs nous le signalent lors de la phase de tests. Moi: Ah? Et les testeurs passent par tous les écrans en comparant l’anglais et le français pour voir si le sens est respecté? Ils provoquent également l’affichage de tous les messages d’erreur? Lui: Je ne sais pas… je n’ai pas participé aux tests. Moi: Et vous même, quand vous traduisez, vous vous basez sur votre expérience en programmation? Lui: Je ne suis pas programmeur! Moi: Ah? Et ça ne pose pas de problème pour traduire un environnement de développement?> Lui: Vous savez, un logiciel reste un logiciel. D’ailleurs, sur les logiciels bureautiques [du même éditeur] les traducteurs ne sont pas non plus forcément des utilisateurs avancés, mais ce n’est pas un problème. Ce qu’on demande aux traducteurs, c’est de traduire, pas de refaire l’interface! Moi: Passons à autre chose…
Après cette discussion, j’en suis à me demander comment les logiciels traduits en français arrivent tout de même à séduire certains utilisateurs…
Hum… probablement ceux qui ne parlent pas anglais, ne lisent pas les messages d’erreur par principe et n’ont jamais tenté d’ouvrir les options avancées, voire ne serait-ce que l’aide en ligne!